Oser partir pour mieux se trouver soi-même.
Élise a 37 ans, elle est québécoise. À la fin de son cursus dans le design, elle ne se reconnaît pas dans l’impératif de performance et de compétition.
Elle refuse de prendre la route toute tracée.
Une partie d’elle résiste à la promesse de cette vie qui semble déjà écrite.
Femme de caractère, elle ose partir. Elle écoute sa petite voix pour trouver sa propre voie.
Au cours de cet interview, elle nous raconte son parcours inspirant, où le désir de trouver sa voie l’a poussé à se faire confiance.

• Peux-tu nous raconter comment ta vie a pris une direction inattendue, à la fin de tes études ?
Plan de l'article
Une fois, mes études universitaires, est venue l’étape de monter mon portfolio pour me trouver un emploi (probablement dans un bureau pour le fameux 9 à 5, du lundi au vendredi).
Une partie de moi était résistante à ça.
Afin de pallier cette friction, j’avais choisi de voyager. Je devais rejoindre une amie en Australie, et essayer de trouver un stage sur place pour combiner fin d’étude en design et goût du voyage .
Finalement : mon amie change de plan. Je me retrouve seule dans ce projet.
N’étant initialement pas particulièrement appelée par l’Australie, j’écoute ma petite voix, qui elle, est attirée par le Mexique.
Je décide de me fier à cette envie.
Je quitte mon appart à Montréal, et pars totalement à l’aventure.
Alors que je ne parle pas espagnol, que je suis blonde, blanche, aux yeux bleus.
Je pars donc seule avec mon sac à dos, et sans stage.
• C’ est courageux alors que de primes abords, rien ne te raccroche à ce pays-là .
Est-ce qu’il y a eu, ou est-ce que tu conscientisais le déclic qui t’a poussé à partir?
Je repoussais un peu mon entrée sur le marché du travail, parce que j’étais épuisée par mes études.
Je désirais autre chose que de performer, de travailler fort pour réussir.
J’en avais vraiment marre d’être dans la compétition permanente, et sous pression (pour prouver que mon idée de design est la meilleure par exemple).
• À quelles difficultés réelles ou mentales t’ es-tu heurtée ?
La plus grande difficulté était de me demander ce que je faisais là. Y compris la veille de mon départ.
Je me suis demandé quelle idée, j’avais bien pu avoir, de me mettre dans une telle situation, si inconnue et inconfortable.
Ces doutes m’ont poursuivi même une fois sur place , pendant plusieurs semaines.
J’ai eu besoin de me rappeler que c’était un choix du cœur .
Je me suis retrouvée face à un choc culturel : la langue, mais aussi un mode de vie beaucoup plus lent.
J’ai dû faire taire cette anxiété de l’inconnu, et accepter de ralentir moi aussi.
• Qu’as-tu trouvé là-bas, et qui t’a rendu plus sereine ?
Le fait de ralentir justement, car tout va vraiment moins vite là-bas.
Notamment, quand je me suis rapproché de la côte: le style de vie est beaucoup moins effréné que chez nous .
J’ai rencontré un peuple vraiment souriant et chaleureux.
Les gens vivent avec presque rien.Contrairement au Québec où l’on possède beaucoup de biens matériels. J’ai découvert une culture où les enfants jouent avec pas-grand-chose. Ils sont néanmoins, heureux et souriants.
Je voyageais avec peu de choses; tout tenait dans mon sac à dos donc ça m’a ramené, moi aussi, à l’essentiel.
Je m’attachais au bonheur de l’expérience,
et de ce que je vivais,
plutôt qu’au bonheur de posséder .
• Ce voyage t’a reconnecté à des valeurs déjà présentes en toi, mais dont tu n’avais pas conscience, en raison de ton mode de vie ?
Oui, et de par ce que la société nous projette.
Faire et avoir toujours plus, ainsi que la nécessité de performer absolument.
J’ai pris conscience que faire moins c’était correct ,
et c’était assez .
Ça: ça m’a vraiment apaisée .
• Tu as aussi découvert le yoga qui t’a conforté dans ce nouveau paradigme ?
J’ai testé un cours car j’avais du temps. J’avais fait de la place dans ma tête et dans mon emploi du temps: je m’étais rendue disponible.
Je me suis reconnectée à moi, à mon corps.
Chose que je ne m’étais pas permise dans mon style de vie au Canada, car j’étais beaucoup dans la tête et l’action.
M’ouvrir à mes ressentis m’a permis d’accéder à autre chose ;
Tout était devenu possible, tout à coup.
• En t’éloignant de tes racines et de ton mode de vie : peut-on parler de déconditionnement, pour t’ouvrir à une autre chose ?
Tout à fait. Je n’avais aucune pression, car personne ne me connaissait.
Nul n’avait d’attente, d’idées préconçues sur qui j’étais ou sur ce que je “devais” faire.
Ça m’a vraiment aidé à me déconditionner des pensées que j’avais accumulées par mes propres expériences antérieures, ou par rapport aux attentes des autres.
C’était plus facile de mettre tout ça de côté pour
faire la part des choses entre ce qui était vraiment important pour moi, et le reste.
C’est ce qui m’a permis d’entrevoir qu’il existait autre chose.
Que je pouvais vivre autrement que ce que j’avais tracé jusqu’à présent.
• Les autres n’avaient pas d’attentes envers toi. Mais est-ce que toi tu en avais une ? Trouver un sens à ta vie par exemple.
Non, aucune .
C’est peut-être pour ça que ça a fonctionné.
Je me suis vraiment laissée guider par mes expériences. J’ai fini par arriver dans ce village dont une amie m’avait parlé, où j’ai appris le yoga.
Je me laissais porter par la vie.
C’est la seule chose que j’avais à faire.
Aucune responsabilité, sauf celles de manger, dormir…et vivre!
Ça a ouvert la porte à autre chose.
• Penses- tu que tu aurais pu changer en restant au Québec, sans faire ce voyage ?
Non, aucunement.
Ce voyage a complètement changé ma perception des choses,
et la perception que j’avais de moi-même.
Ça m’a apporté beaucoup de confiance.
Je considère ce voyage comme un tremplin qui m’a permis de changer complètement de direction.
Le design est devenu secondaire. Le yoga a pris toute sa place.
• Il a quand même fallu rentrer avec tout ce dont tu avais pris conscience. Avec le goût pour le yoga, et sans volonté de remettre le design dans ta vie.
Comment s’est passé ton retour?
J’ai repoussé mon retour au maximum. Mais ce fut quand même difficile.
Car c’est beau d’ouvrir des portes, mais il faut trouver dans laquelle entrer ensuite.
Ça a pris quelques mois d’adaptation, mais j’ai fait confiance à la vie.
Et la vie m’a présenté de belles opportunités.
Je me suis investie plus sérieusement dans le milieu du yoga. Je me suis formée pour l’enseigner.
J’ai vraiment choisi d’écouter la nouvelle voix,
que j’avais entendue au cours de mon voyage.
J’ai choisi de nourrir cette nouvelle facette de ma vie. Pour autant: ça n’a pas été facile.
En plus de devoir trouver la bonne façon de le faire, il a fallu accepter ce changement de chemin. Puis l’assumer.
• Les difficultés venaient essentiellement de toi, de tes pensées ? Ou as-tu aussi été confronté à des critiques extérieures ?
Non, j’ai eu la chance d’être soutenue par mon entourage, sans jugement . Même si je ne prenais pas un chemin traditionnel, j’ai eu la chance d’être supportée.
C’était uniquement un cheminement personnel, qui était bien perçu.
• Combien de temps s’est-il passé entre ton retour au Canada et un équilibre de vie ?
Quelques mois. Environ 1 an plus tard, c’était vraiment concret, car je repartais au Mexique faire ma formation pour enseigner le yoga.
Mais le cheminement ne s’est pas terminé là. Car le design est revenu dans ma vie .
Seulement 10 ans plus tard. Donc ce chemin-là a pris 10 ans .
• Ce retour du design a été une décision volontaire, ou une réapparition naturelle?
Enseigner le yoga me comblait énormément. Pourtant, une partie de moi avait besoin de créer, et de résoudre des problèmes autres que ceux du corps.
Au fil des ans, j’ai compris que j’avais toujours un rêve. Je l’avais discrètement nommé lors de mon premier voyage de 6 mois au Mexique.
Ce rêve était de vivre 6 mois au Mexique, 6 mois au Canada
Donc il fallait que je sois capable de mettre en place
les actions nécessaires pour atteindre ce rêve-là.
Et c’est ce qui a ramené le design dans ma vie.
En séparant ma vie entre 2 endroits , j’avais besoin d’économiser de l’argent, mais aussi de me sentir utile, et épanouie.
J’ai alors commencé à faire du troc de service.
J’aménageais les espaces que je louais, en échange d’un rabais sur le loyer. Le design s’est donc immiscé dans mon nouveau projet de vie, sans l’aspect « professionnel » :
je le faisais par passion et enthousiasme.
• Désormais, tu concilies les deux activités: yoga et design?
Oui . Pendant plusieurs années, je cherchais comment concilier ces 2 compétences.
Et c’est en parlant à mes élèves de yoga, de l’importance de prendre soin de soi, de nettoyer son corps, de faire de la place pour la nouveauté, que c’est devenu plus clair.
J’ai compris que j’avais la force d’aider les gens à faire de la place aussi dans leurs maisons.
C’était l’évidence. J’avais envie d’accompagner les personnes à créer de la place dans leur corps avec le yoga, mais dans leur esprit et leurs maisons en se libérant la tête.
L’aspect minimaliste du design me permet de savoir faire ça très bien .
• Tu avais le désir d’accompagner les gens dans le bien-être intérieur et extérieur?
Oui ! Ce fut une libération.
J’avais enfin trouvé quelque chose qui me donnait le sentiment
d’être en plein contrôle de ma vie.
De pouvoir créer le service que je voulais: à mon image, et avec mes valeurs.
Je savais que je pouvais aider plein de gens autour de moi, en leur permettant de créer la vie dont ils ont envie .
• L’intention de ta contribution n’était plus la performance, mais uniquement d’aider les gens à être bien, simplement .
Oui , et pour cela : j’ai appliqué le minimalisme auquel j’étais confrontée de par mon rêve de vouloir vivre entre 2 pays.
J’ai dû faire un vrai travail de désencombrement dans ma vie. À chaque fois que je revenais au Québec je sentais le poids des choses, la lourdeur de ce que j’avais accumulé au fil du temps.
La nécessité de me libérer de certaines choses a évidemment été facilitée par la vie partagée entre ces deux endroits, car j’avais défait le lien avec certains objets.
Ça m’a aussi permis de libérer du temps pour ce dont j’avais vraiment envie.
C’est important pour moi de communiquer ce message au travers de l’aménagement.
Épurer et désencombrer son espace, c’est aussi désencombrer son emploi du temps, pour vivre des expériences.
L’enthousiasme de posséder, un objet ou une nouveauté, est éphémère . Il ne dure pas. Et on a toujours envie d’une nouveauté pour combler ce besoin d’excitation.
Se déconditionner de ça, laisse la place à beaucoup de choses .
Y compris être . Et ”ne rien faire ». S’asseoir et regarder tomber la neige, c’est déjà une activité qui fait du bien.

• Oui. Être pleinement avec soi fait du bien. Avec ou sans le dernier smartphone : ce qu’on vit est toujours aussi beau.
Oui ça ne change rien à notre valeur intérieure.
Il est important de valoriser l’être plutôt que l’avoir.
• Si c’était à refaire : est-ce que tu le referais ? ou différemment?
Je referai définitivement la même chose. Chaque étape était dans un processus X.
Et je n’agirais probablement pas différemment non plus.
La vie fait le cours des choses.
Si je l’avais fait plus jeune, peut-être que j’aurais évité quelques détours. Mais les détours étaient enrichissants. Ils m’ont apporté de l’expérience et des rencontres.
Si j’avais un conseil à donner à un jeune qui se cherche: c’est d’apprendre à se connaître.
Si j’avais eu l’opportunité de vivre plus tôt ce déracinement, de sortir de ma zone connue : j’aurais appris à me connaître plus tôt dans ma vie .
• Si tu avais un conseil à donner à ceux qui ont envie de partir ou de trouver leur chemin, mais qui n’osent pas: que leur dirais-tu pour leur donner l’impulsion du passage à l’action?
Se faire confiance. Faire confiance à la vie.
Si on a cette intuition-là, il faut lui faire confiance .
Évidemment, on a des choses à mettre en place (préparation, économie..) mais je suis entrée dans l’action, jour après jour, pour concrétiser ça.
Ces actions sont posées grâce à la confiance.
Cette confiance m’a servi quand je suis revenu au Canada où il y avait quand même une incertitude notamment financière.
Mais j’avais découvert en voyage, que la vie nous apporte toujours ce dont on a besoin.
Du travail : il y en aura toujours, même si c’est temporaire, ou que ce n’est pas le travail idéal. Il y a toujours une sortie de secours.
Même si à mon idée, la sortie de secours ne devrait pas être notre premier choix. Il faut laisser la place, et faire confiance au chemin qui a envie de se tracer pour nous.
Mettre un pied dans le processus faire un pas à la fois, en confiance .
Il n’est pas nécessaire de partir 6 mois. On peut partir 1 journée, un week-end à l’inconnu. Ces expériences vont forger la confiance dont on a besoin.
• Oui : chaque pas dans la bonne direction, fait qu’on arrivera au but . Pas la peine de partir au bout du monde pendant plusieurs mois pour se connaître, ni être confrontée à ses propres pensées .
Exactement. Il est important d’accepter que l’on va se retrouver confronté à soi-même . Et accepter qu’on a envie que ça arrive.
Même si on sait que c’est un processus fait de haut et de bas, mais qui sert avant tout à nous enrichir au final .
• On sent beaucoup d’énergie d’amour et de bienveillance envers soi, quand tu racontes la nécessité de se faire confiance
C’est le yoga qui m’a apporté cette vision. C’est une discipline qui enlève la notion de performance ou de comparaison aux autres.
Il y a juste besoin d’ écouter son cœur, son corps . Mais pour ça: il faut faire de la place pour que les signes arrivent, et accepter d’y prêter attention.
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